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Retour dans le temps à Baracoa

Retour dans le temps à Baracoa

Jusqu’alors, les marchandises et les gens atteignaient Baracoa par avion, bateau ou à cheval, à moto ou en jeep sur des routes non pavées terrifiantes. L’isolation de Baracoa était devenue une source de fierté pour les gens de cette ville, mais le pragmatisme l’obligea à se relier au reste du pays. La route qui y conduit renferme des virages à 180 degrés, des courbes sévères, des côtes abruptes et est souvent encombrée des débris de tempêtes de la veille. Des branches d’arbres et des rochers s’étaient brisés sur l’autoroute Farola, comme on l’appelle, et les équipes de travail ne les avaient pas encore atteintes. À certains endroits, les voyageurs que j’avais embarqué et moi devions sortir dans la tempête hurlante pour déplacer des monceaux de boue, des pièces d’arbres, ou des amas de roches qui avaient roulé en travers de l’autoroute. Pourtant, dix minutes plus tard, le soleil brillait à nouveau, la route était dégagée et les guajiros sont apparus, accomplissant leur routine quotidienne normale…

Baracoa a été établie vint-deux ans après que Colomb fut arrivé à Cuba. Ce fut le premier établissement de l’île. Sa situation stratégique demandait des tours et des forteresses pour la protéger contre les bateaux ennemis et les troupes à cheval.

J’ai fait un tour de la ville. Il y avait à peine assez de trafic pour qu’une collision entre deux autos puisse être possible. Un garcon sur une bicyclette conduisait de la main gauche pendant que la droite tenait les frets d’une guitare dont le manche était perché sur son épaule. Si peu d’autos traversent les rues de Baracoa que les gens réagissaient à mon véhicule de location japonaise de cinq ans d’âge comme si je conduisais une nouvelle XKE sortie directement de la salle de montre de chez Jaguar. J’ai vu une grappe de femmes dans une queue éclatée et j’ai demandé à Hartman pourquoi elles étaient là. “Elles sont en ligne pour obtenir un numéro pour l’ouverture du magasin demain, afin qu’il y ait un peu d’ordre.” La Casa de Chocolate, la Maison du Chocolat, me tentait mais elle était fermée depuis quelques mois déjà, sans date de réouverture prochaine en vue. Nous passames devant l’Hotel de la Rusa, mis en place par une femme russe qui avait fui la révolution dans son propre pays pour venir s’établir à Cuba…

Cette petite ville provinciale m’a plu au premier coup d’oeil. Sur ma route pour rencontrer Hartman au musée le matin suivant, j’ai dépassé des écoliers dans leur bleus pionniers, des ménagères lancant des bacs d’eau dans la rue, des acheteurs espérant trouver quelque chose à acheter, des autobus d’usines faisant monter des travailleurs. Leur rythme était sans hate, se dépêcher ne servant à rien. Trop peu de clients s’entassaient dans le local la pâtisserie Le Socialisme ou la Mort pour faire la queue. Une brise soufflait de la mer, vive et chaude. Le Malecón de Baracoa n’a que peu de flâneurs. J’étais le seul à traînasser là…

J’ai passé la fin de l’après-midi sur la place centrale de la petite ville, un large triangle autrefois appelé la Plaza Cacique Hatuey, observant et conversant. Deux fillettes d’à peu près 10 ans jouaient aux échecs pendant qu’un ami suivait le jeu à côté. Pas très loin, deux hommes dans la jeune vingtaine jouaient aux dames. Une jeune femme dans un petit kioske à fenêtre ouverte vendait le quotidien provincial et Granma, qui arrivaient de La Havane à midi chaque jour. Deux adolescents jouraient au ping pong. Quatre vieillards entouraient une table où ils jouaient aux dominos. Ils semblaient être assis là depuis les jours où Batista n’était encore qu’un sergent dans l’armée. À l’autre extrémité de la plaza, plus loin que l’ensemble du salon de beauté, un orchestre municipal de vint-cinq instrumentistes composé de bois et de vents, divertissait lentement les passants et les spectateurs.

Les écolières furent bientôt remplacées sur l’échiquier par deux garcons athlétiques d’environ quinze ans. À mesure qu’une partie se terminait, le perdant se levait et un autre opposant prenait sa place pour affronter le gagnant, comme si tout marchait au quart de tour. Trois gagnants plus tard, je me suis approché comme si je faisais partie de ce scénario quotidien de la plaza de Baracoa. Le dernier gagnant approuva de la tête. Nous primes des couleurs opposées à celle de notre peau. Il me mit rapidement échec et mat. Le soleil s’était couché et le parc s’assombrissait. Personne n’apparaissait pour me remplacer. “Une autre?” je lui dis. Ce fut le premier mot entre nous. Il approuva de la tête. Après cinq mouvements, le directeur de la récréation se présenta pour ramasser l’équipement de toutes les tables. “Jusqu’à la Période Spéciale, nous jouions beaucoup plus tard sous les lumières”. L’orchestre n’avait pas encore achevé son répertoire. J’ai dérivé jusqu’à eux comme ils jouaient un pot-pourri de pièces de Broadway, de thèmes de films, et de chansons de marche. J’enviais le joueur de hautbois, désarmé par sa position dans la vie qui ne tenait à rien d’autre qu’être un musicien d’après-midi pour un ensemble d’une petite ville des Caraïbes. Pour un moment, je ne pouvais penser à rien de plus noble que de jouer du hautbois dans la troupe municipale de Baracoa…

Quand les gens de Maisí parlent d’un pays ahurissant tout proche, ils veulent dire Haiti. Je voulais voir Maisí, à 38 kilomètres de Baracoa, à l’extrémité-est de Cuba…Je m’engageai donc le long d’une couple de routes pavées à travers de petites communautés situées en dehors de la ville, et finalement j’aboutis sur une petite route poussiéreuse. L’averse qui avait entravé ma conduite sur l’autoroute de la Farola avait aussi fait des dégâts sur la route de Maisí. Le feuillage avait poussé dru comme la boue à travers laquelle nous roulions. Entre les branches de palmiers et la jungle dense tout autour, j’ai pu voir quelques cabanes, des maisons au toit de chaume de la campagne isolée. La beauté de Cuba contient une douce intégrité, rassurante, presque caressante. La Nissan glissait en avant jusqu’à ce que la route s’avère impraticable même en première. J’ai abandonné l’auto et j’ai marché.

Bientôt, j’arrivai à l’Abra de Yumurí, un établissement sur les rives de la rivière Yumurí, là où elle se jette dans l’Atlantique. Pour atteindre Maisí nous aurions eu besoin d’une jeep – premièrement pour traverser le pont de bois de 250 pieds au-dessus de la Yumurí et ensuite pour monter la colline glissante suivante.

En fin de compte, l’Abra de Yumurí a satisfait mon désir d’atteindre le fin de Cuba. Son seul commerce était la Cafetería en plein air Yumuri, un globe lumineux nu suspendu au-dessus d’un réfrigérateur et un poêle rustique. Quatre hommes jouaient aux dominos sur le porche. Tout le monde connaissait mon compagnon de voyage Alejandro Hartman. Il a été accueilli comme un cacique bénévole, le chef politique local qui demande si tout va bien pour vous ou vos récoltes. Nous avons traversé le pont à pied. “Il est fait de cèdre. Sa construction montre l’influence française dans la région.” Des canots étaient attachés aux pilliers du pont. Hartman m’indiqua du doigt un endroit juste derrière la montagne qu’on voyait de la rivière. “Quand les bananes viennent de Maisí, elles viennent par mulets jusqu’à cet endroit là-bas. Elles sont alors embarquées dans un funiculaire et descendues jusqu’au pied de la montagne où elles sont chargées sur des bateaux.” Hartman s’éloigna pour parler à quelqu’un. Tout ce que je pouvais entendre était le faible bruit des dominos qui s’entrechoquaient par-dessus le son de la Yumurí se déversant dans les Caraïbes.

À une courte distance de là, de lourdes femmes noires dans des robes amples se penchaient pour remplir des baquets d’eau de la bouche de la rivière, de la même manière, je suppose, que les femmes sur les rives d’autres îles au travers les Indes de l’Ouest le font au même moment. Quand nous entreprimes de revenir sur nos pas à travers le pont, l’activité récréationnelle avait pris un tour plus actif. Les quatre joueurs de dominos avaient fait une pause mais juste à côté, dans les marais longeant les Caraïbes, une douzaine de garcons énergiques de moins de dix ans avaient commencé une partie de baseball. Ils jouaient avec une balle dure en caoutchouc et un bâton en guise de batte. Ils n’avaient qu’un seul gant à partager parmi le groupe, et disposaient d’un champ extérieur s’étendant jusqu’aux Petites Antilles. Ils portaient tous des shorts, une couple d’entre eux avait une chemise et un seul garcon portait des souliers. Sur ce merveilleux terrain de fortune, si vous frappiez sur Haiti c’était un double. Une fois, une balle fausse est tombée dans la bouche de la Yumurí pour être ramassée par une femme marchant dans le mare saumâtre, la jupe relevée jusqu’à la taille. Ces joueurs étaient les futures stars de la Liga Nacional, et s’ils étaient assez bons, la Liga Selectiva, et s’ils étaient parmi les meilleurs, de l’équipe nationale qui joue contre les pays étrangers.

Un gaucher retroussa une première balle du côté de Cuba. Un joueur de champ nu-pieds l’a courue à travers les coquillages et les petites roches de la plage terreuse caribéenne. Le frappeur traversa une pile de coquillage qui servait de marbre comme le joueur de champ lancait la balle à partir de la mer bleutée. Ces enfants stars étaient aussi passionnés qu’on peut l’être à chaque jeu. Malgré tout le baratin sur la diplomatie du baseball, les défections, le statut d’amateur versus les athlètes commandités, les cris de cette douzaine de garçons heureux sautant le long de la mer s’élevaient comme la plus puissante et authentique vision que je pouvais apporter avec moi. J’ai gardé cette image dans mon esprit, à la fois romantique et réelle, craignant de ne jamais plus rencontrer un baseball aussi pur de toute ma vie.

Trading with the Enemy
Cuba a appelé sa chute économique suivant l’implosion de l’Union Soviétique une “Période Spéciale en Temps de Paix”. Privations et temps durs prévalaient. Les pannes de courant et les comptoirs vides, étaient chose courante. Le début des années 1990 a forcé le pays à s’adapter à des difficultés très sévères. L’auteur Tom Miller vivait à La Havane pendant cette période et a voyagé dans tout le pays. Le résutat a été Trading with the Enemy: A Yankee Travels through Castro’s Cuba, (Échange avec l’ennemi: un yankee en voyage dans le Cuba de Castro) dont Lonely Planet a dit qu’il “pouvait être le meilleur livre de voyage sur Cuba jamais écrit”. Dans cet extrait exclusif adapté de son livre, Miller visite le nord-est du pays.
www.tommillerbooks.com.


Tom Miller
Tom Miller a été un visiteur régulier de Cuba depuis 1987. Il a été le co-organisateur de la conférence des Écrivains USA-Cuba au début des années 2000 et a dirigé plus récemment une série de tournées d’une semaine appelées “La Havane littéraire”. Miller a écrit sur Cuba pour les journaux majeurs américains tells LIFE, Smithsonian, Histoire Naturelle et plusieurs autres. Ses autres livres comprennent The Panama Hat Trail et Revenge of the Saguaro.
www.tommillerbooks.com.
Avril 2014 Cet article fait partie du numÉro de avril 2014 de What’s On La Havane Le meilleur guide culturel mensuel de voyage À La Havane Téléchargez notre dernier numéro de What’s On La Havane, le guide de voyages, de culture et de loisirs le plus complet sur tout ce qui se passe à La Havane, la mystérieuse et grouillante capitale de Cuba. Nous incluons des articles provenant de tous les coins de Cuba écrits par les meilleurs auteurs internationaux de voyage et de culture spécialisés sur Cuba. Notre revue digitale mensuelle en ligne peut aussi être consultée en anglais et en espagnol.


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